Résumé
Le Conseil d’Etat[1] rappelle le régime des accidents de baignade en dehors des zones surveillées. Il précise qu’ils sont insusceptibles d’engager la responsabilité de la commune si le maire a pris les mesures appropriées. Ces mesures doivent signaler la réglementation applicable et les dangers qui excèdent ceux contre lesquels les intéressés doivent normalement se prémunir.
Il ajoute que les fautes et imprudence commises par la victime sont une circonstance exonératoire de responsabilité.
Analyse et rappel du régime juridique
Il appartient au maire de délimiter sur le territoire de sa commune une ou plusieurs zones surveillées dans les parties du littoral présentant une garantie suffisante pour la sécurité des baignades et des activités.
Hors des zones et des périodes ainsi définies, les baignades et activités nautiques sont en principe pratiquées aux risques et périls des intéressés[2]. Le maire n’en est cependant pas moins tenu à l’obligation d’informer le public des conditions dans lesquelles les baignades sont réglementées. Il doit le faire par une publicité appropriée visible en mairie et sur les lieux où les activités se pratiquent (I).
La faute de la victime constitue cependant une circonstance exonératoire de responsabilité (II).
I. L’obligation imposée au maire d’informer par une publicité appropriée les baigneurs des risques encourus
Dans l’espèce commenté, un surfeur avait été victime de l’attaque d’un requin dans la zone littorale située à moins de 300 mètres du rivage[3]. Cette accident lui a infligé de graves blessures. Il a alors saisi le tribunal administratif de la Réunion pour obtenir l’indemnisation de ses préjudices.
Il appartenait au juge de vérifier si l’information délivrée aux baigneurs était suffisante pour leur permettre d’apprécier les risques encourus. Cet élément est essentiel puisque la carence fautive de la commune engage sa responsabilité[4]. Le maire doit en conséquence prendre des mesures appropriées en vue d’assurer la sécurité des baigneurs. Il lui incombe ainsi de signaler les dangers excédant ceux contre lesquels les baigneurs doivent personnellement, par leur prudence, se prémunir[5][6]. A titre d’exemple, les dangers que présentait la Dordogne à l’endroit où s’est produit un accident mortel n’excédaient pas ceux que l’on rencontre habituellement dans les cours d’eau de cette nature[7].
Application au cas d’espèce:
Le Conseil d’État relève que l’information délivrée était suffisante. Par suite, aucun manquement n’est susceptible d’engager la responsabilité de la commune. Il relève que la partie du rivage où est intervenu l’accident avait fait l’objet d’un arrêté qui interdisait la baignade. Cet arrêté soulignait la dangerosité du site et précisait que l’accès ne pouvait se faire qu’aux risques et périls de la population.
Le maire devait-il désigner les dangers particuliers tels que les attaques de requins ? En l’occurrence, le Conseil d’État a estimé que l’interdiction de la baignade prévue par arrêté et l’apposition de la mention « baignade interdite, site dangereux, accès à vos risques et périls », sur un panneau visible et implanté sur le site, suffisent à exclure la responsabilité de la commune.
Cela signifie que la seule interdiction de baignade excluait toute obligation pour la commune de mentionner que les usagers risquaient de subir des attaques de requin. Par suite, ni la commune ni l’État par la voie du préfet, en application de l’article L. 2215-1 précité, n’ont commis de faute susceptibles d’engager leurs responsabilités.
II. L’exclusion de toute responsabilité de la commune en cas de faute de la victime
Le rappelle enfin que la victime était un surfeur expérimenté qui résidait sur l’île de la Réunion depuis 1981 et connaissait les lieux. En cela, elle ne pouvait raisonnablement ignorer les risques d’attaques de requins.
L’accident n’est alors imputable qu’à sa seule imprudence.
Ce raisonnement est conforme à la jurisprudence, qui expose que la responsabilité de l’administration ne saurait être retenue en cas de méconnaissance par la victime des consignes de sécurité. Il en est également ainsi si elle est à l’origine de son préjudice[8]. C’est le cas lorsque de graves imprudences sont commises, si bien que les victimes ne pouvaient ignorer le danger ou n’avaient pas tenu compte des indications données[9].
La décision du Conseil d’État est donc parfaitement fondée.
Pour toute question vous pouvez me joindre ici.
[1] CE, 22 novembre 2019, n° 422655
[2] Article L. 2213-23 du Code général des collectivités territoriales
[3] Qui relève de la compétence du maire
[4] CE, 19 novembre 2013, Commune d’Étables-sur-Mer, n° 352955, Lebon T. p. 834
[5] CE, 5 mars 1971, Sieur Le Fichant, n° 76239, Lebon p. 185
[6] CE, 5 mars 1971, Fichant, n° 76239.
[7] CE, 26 février 1969, Dame Veuve Gravier, n° 73811, Lebon T. p. 759
[8] CE, 19 février 1969, Epoux Vié, n° 72379 72380 72381, Lebon p. 978
[9] CE, 23 mai 1958, Consorts Amoudruz, n° 35737, 31976 et 32078 ; CE, Sect., 28 juillet 1993, Consorts Dubouloz, n° 117449, Lebon p. 250