CAA Paris, 24 mai 2022, Société Multiservices – Tahiti Vidanges, n° 20PA01508
Mots-clés : marché public ; passation ; contestation ; Tropic / Tarn-et-Garonne ; indemnisation
« Sur le montant de l’indemnisation :
6. En premier lieu, la société requérante soutient que c’est à tort que les premiers juges ont limité son indemnisation en ne tenant pas compte des trois années d’exécution du contrat. Il résulte de l’instruction que le marché à bons de commande a été passé pour une durée d’un an, renouvelable. L’offre de la société requérante a été fixée, dans le détail quantitatif estimatif du marché qu’elle a présenté, à 50 115 000 F CFP. Ainsi, le manque à gagner de la société requérante ne revêt un caractère certain qu’à hauteur de ce montant nonobstant la circonstance que le marché ait été renouvelé trois ans au bénéfice de la société attributaire, comme l’ont estimé à juste titre les premiers juges.
7. En second lieu, la société requérante soutient que le taux de marge de 17,5% retenu par le tribunal est erroné et qu’il faut retenir un taux de 51% dès lors qu’il convient de prendre en compte le taux de marge à partir des coûts variables générés par le marché incriminé et non à partir de l’ensemble des coûts. Toutefois, contrairement à ce que soutient la société requérante, le calcul du bénéfice net s’opère par soustraction au total des produits de l’ensemble des charges et le taux de marge doit être déterminé en prenant en compte non seulement les charges variables de la société mais également ses charges fixes. Dans ces conditions, et au regard des pièces produites, et notamment des comptes de résultats des trois dernières années demandés par le tribunal, c’est à juste titre que ce dernier, prenant en compte les charges fixes et variables, a retenu un taux de marge de l’entreprise fixé à hauteur 17,5% et a fait une juste appréciation du manque à gagner de la société requérante, fondé sur le détail quantitatif estimatif et le taux de marge précités, en lui allouant la somme de 8 770 125 F CFP. »
La cour administrative d’appel de Paris rappelle le principe de l’indemnisation pour le candidat évincé dans le cadre de la passation d’un contrat de la commande publique (marché public, concession de service…), ainsi qu’il en résultait de la jurisprudence Tropic (CE, ass., 16 juillet 2007, Tropic Travaux Signalisation, n° 291545, Lebon, p. 360) puis de la jurisprudence Tarn-et-Garonne (CE, ass. 4 avril 2014, Département de Tarn-et-Garonne, n° 358994, Lebon, p. 70).
Pour rappel, ces conclusions sont indépendantes de celles visant à la contestation de la validité du contrat. Un juge peut donc les juger recevables alors qu’il a rejeté la requête en contestation de validité du demandeur (CE, 4 juillet 2012, Ministre de la Défense et des Anciens Comabattants, n° 352714).
Les conclusions indemnitaires doivent faire l’objet d’une réclamation préalable auprès de l’administration. Le refus de l’administration, qu’il soit exprès ou tacite, permet en effet de faire naître une décision administrative susceptible de recours (article R. 421-1 du Code de justice administrative ; CE, avis, 11 mai 2011, Société Rebillon Schmit, n° 347002, Lebon, p. 209).
« La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée.
Lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande préalablement formée devant elle. »
Dans le cas d’espèce, il s’agissait d’un accord-cadre à bon de commande d’une durée d’un an renouvelable trois ans dans la limite de quatre ans.
Le candidat évincé ne peut donc être indemnisé que pour cette première année, nonobstant le fait que le marché ait pu être renouvelé trois ans avec son attributaire.
RAPPEL : pour évaluer le montant de l’indemnisation, le juge s’interroge sur le fait de savoir si l’entreprise avait ou non une chance de remporter le marché.
- 1/ Si aucune chance de remporter le marché, aucune indemnisation n’est possible. Cela peut notamment être le cas si l’offre a été déposée tardivement.
- 2/ Si une possibilité non sérieuse de remporter le marché, le candidat a droit au remboursement des frais engagés pour présenter son offre.
- 3/ En cas de chance sérieuse d’obtenir le marché, l’entreprise doit être indemnisée de son manque à gagner, ce qui correspond à la marge nette qu’elle escomptait tirer de l’exécution du marché.