Définition du marché public de travaux dans le cadre d’une opération immobilière complexe (mots-clés : marchés publics travaux bail état futur achèvement BEFA)
CE, 3 avril 2024, Société Victor Hugo, n° 472476
I. Qualification du montage complexe en marché public
Définition du marché public de travaux (art. L. 1111-2 du Code de la commande publique) :
« Un marché de travaux a pour objet : Soit la réalisation, soit la conception et la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux exigences fixées par l’acheteur qui exerce une influence déterminante sur sa nature ou sa conception. »
Ainsi, si aucune disposition législative n’interdit aux PP de procéder à la location ou à l’acquisition de biens immobiliers, cette pratique est illégale « lorsque l’objet de l’opération consiste en la construction même d’un immeuble pour le compte de la collectivité publique, lorsque l’immeuble est entièrement destiné à devenir sa propriété et lorsqu’il a été conçu en fonction des besoins propres de la personne publique »
(CE, 14 mai 2008, Communauté de communes de Millau-Grandes Causses, n° 280370)
Comment déterminer l’influence déterminante propre à permettre la qualification du montage immobilier en marché public, notamment dans le cadre d’un bail ?
CJUE, 22 avril 2021, Commission c/ République d’Autriche, aff. C-537/19 : l’influence est déterminante lorsqu’elle porte sur « la structure architecturale [du] bâtiment, telle que sa dimension, ses murs extérieurs et ses murs porteurs ».
En revanche, « les demandes concernant les aménagements intérieurs ne peuvent être considérées comme démontrant une influence déterminante que si elles se distinguent du fait de leur spécificité ou de leur ampleur » (pt 53), c’est-à-dire si elles excèdent ce qu’un locataire de ce type d’immeuble exige habituellement, par exemple parce qu’elles visent « des groupes déterminés de locataires [ou] des besoins spécifiques » (pt 80).
Confirmation CE, 3 avril 2024, Société Victor Hugo, n° 472476 :
Le contrat par lequel un pouvoir adjudicateur prend à bail ou acquiert des biens immobiliers qui doivent faire l’objet de travaux à la charge de son cocontractant constitue un marché de travaux […] lorsqu’il résulte des stipulations du contrat qu’il exerce une influence déterminante sur la conception des ouvrages.
Tel est le cas lorsqu’il est établi que cette influence est exercée sur la structure architecturale de ce bâtiment, telle que sa dimension, ses murs extérieurs et ses murs porteurs. Les demandes de l’acheteur concernant les aménagements intérieurs ne peuvent être considérées comme démontrant une influence déterminante que si elles se distinguent du fait de leur spécificité ou de leur ampleur » (pt 5).
Et il constate que « tant l’aménagement du bâtiment existant A que la construction et l’aménagement du nouveau bâtiment C répondent aux besoins exprimés par le centre hospitalier, visant à regrouper ses activités ambulatoires de psychiatrie infanto-juvénile ainsi que le centre d’accueil thérapeutique à temps partiel et les hôpitaux de jours consacrés à l’accueil d’enfants de moins de douze ans, et aux exigences spécifiques qu’il a fixées ». Le contrat litigieux était donc bien un marché public, ce qui va entraîner d’importantes conséquences quant au régime de paiement.
Confirmation récente : CJUE, 17 octobre 2024, NFŠ a. s./République slovaque, aff. n° C-28/23
Fait :
Le ministère de l’éducation slovaque a conclu un contrat de subvention avec la société NFŠ pour la construction du stade national de football.
Par la suite, le ministère de l’éducation, au nom de la République slovaque en tant que futur acquéreur, a conclu avec la société NFŠ, en tant que futur vendeur, une promesse d’achat du stade.
Cette promesse d’achat inclut les conditions de la conclusion du contrat d’achat ainsi que les spécifications techniques détaillées du stade.
temporel puisqu’elles portent sur le même projet de construction et présentant un caractère synallagmatique de nature à caractériser un marché public car :
-Caractère onéreux (subvention)
-L’intérêt économique de la personne publique est par ailleurs caractérisé par la circonstance que le transfert de la propriété du stade à des tiers est subordonné au consentement préalable écrit de l’État, ce qui lui confère ainsi un droit de préemption sur l’ouvrage
-Enfin, la promesse d’achat constitue une garantie contre les risques commerciaux pour la société NFŠ puisque « en s’engageant à acheter ce stade à la demande de NFŠ, le pouvoir adjudicateur a assumé l’intégralité des risques en cas d’échec économique de l’ouvrage ».
-L’ouvrage devait être construit selon les spécifications formulées par le ministère de l’Éducation, ce qui traduit une influence déterminante de la personne publique sur le stade à construire
II. Conséquence de la requalification en marché public
La requalification du BEFA a pour effet la nullité du contrat dès lors que les loyers s’apparentent à un échelonnement du paiement du prix du marché public (article L. 2191-5 du Code de la commande publique).
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Mots-clés : marchés publics ; travaux ; bail en l’état futur d’achèvement (BEFA) ; droit public